Dans le plus grand mar­ché du monde, on a vite fait de se perdre sans la pré­sence d’un guide che­vron­né. Alors qui de mieux que Jean Chris­tophe Pros­per, bou­cher emblé­ma­tique de Run­gis, pour nous accom­pa­gner dans notre périple dans les cou­lisses du pavillon de la viande ?

Mal­gré l’heure mati­nale et les tem­pé­ra­tures fraiches, nous avons endos­sé avec plai­sir le rôle de l’acheteur en viande. Du choix de la car­casse en pas­sant par la découpe et le tra­vail de la pièce, nous avons sui­vi notre bou­cher dans son uni­vers pas­sion­nant, mais néan­moins mécon­nu du grand public.

 Récit d'une matinée à rungis

Run­gis, cette ins­ti­tu­tion à la popu­la­tion hété­ro­clite, pleine de gens hauts en cou­leurs. Des vieux bris­cards rodés aux ficelles du métier, vété­rans des anciennes halles et peu rom­pus aux tech­niques de vente moderne, jusqu’aux jeunes appren­tis pleins de fougue et digi­tal natives, cha­cun y trouve sa place. Tous ont leurs spé­cia­li­tés, connais­sant sur le bout des doigts leurs pro­duits (géné­ra­le­ment exclu­sifs à chaque ven­deur), sachant pra­ti­quer la découpe à l’œil, loin de tout cali­brage élec­tro­nique ou automatisé.

C’est un peu un super­mar­ché géant réser­vé aux pro­fes­sion­nels et dont le stock se renou­velle quo­ti­dien­ne­ment. Si vous êtes férus de pro­duits car­nés (1500 per­sonnes y tra­vaillent), Run­gis est votre caverne d’Ali Baba. On y retrouve notam­ment trois sec­teurs phares : la viande, la volaille et les tripes, et d’autres plus exo­tiques comme le gibier, les pro­duits transformés…

Le pavillon de la viande

Le « Pavillon des Viandes » est consti­tué de « petits fai­seurs sur mesure ». Toutes les varia­tions de découpe y sont pos­sibles, même ce qui ne se fait pas dans une bou­che­rie tra­di­tion­nelle. En effet, ces arti­sans au savoir-faire éli­mé ne manient la feuille (Hachette) avec dex­té­ri­té qu’au bout de 10 ans de pra­tique intensive.

Ici, une car­casse de veau de lait (une fier­té fran­çaise) pèse une cen­taine de kilos et per­met d’alimenter envi­ron 65 res­tau­rants. Chaque bête est exploi­tée au maxi­mum, et valo­ri­sée en fonc­tion des sai­sons et évè­ne­ments (Rama­dan, été, hiver, Fêtes de fin d’année…) : ce tra­vail de la car­casse et de ses spé­ci­fi­ci­tés est le propre du savoir-faire bou­cher français.

La volaille et les tripes

La volaille (10 000 mètres car­rés) brasse chaque année 80 000 tonnes de mar­chan­dise. C’est un pro­duit éco­no­mique, dié­té­tique, avec une énorme richesse de gamme, et dont 70% des stocks sont hallal.

Aux abats, il faut avoir l’estomac bien accro­ché, car en plus des tripes tra­di­tion­nelles (mou, ris, rognon, andouille…), on retrouve des pro­duits plus ori­gi­naux (tête, joue, queue, pieds…). C’est un sec­teur assez spec­ta­cu­laire. Rien que sur la tête de veau, dont la découpe est un véri­table spec­tacle, on tota­lise 250 pièces ven­dues quo­ti­dien­ne­ment et 800 en période de pointe.

La dégus­ta­tion étant obli­ga­toire à Run­gis, nous avons conclu notre mati­née autour d’un onglet et d’un faux-filet cuits à la per­fec­tion, le tout arro­sé d’un bon verre de rouge, un régal !!!!

Cette visite en plus de nous avoir ame­nés à décou­vrir ce monde mécon­nu, nous a aus­si inter­ro­gés sur l’avenir de Run­gis. Com­ment sur­vivre dans un monde numé­rique et digi­tal où les clients sont beau­coup plus ren­sei­gnés ? Quelles alter­na­tives pour lut­ter contre la concur­rence inter­na­tio­nale ? Com­ment s’adapter à la mon­tée de la viande hal­lal, des consom­ma­tions alter­na­tives…? La suite au pro­chain épisode…